Au 132 rue de la Convention, dans le 15e arrondissement de Paris, un chantier d'isolation pas comme les autres a débuté en juillet : l'isolation thermique par l'extérieur (ITE) en paille, de deux pignons d'une résidence, propriété de Paris Habitat depuis 2018. « Une première en réhabilitation sur un immeuble collectif de sept étages" selon l'Office.
Matériau biosourcé particulièrement indiqué en isolation en raison de son épaisseur, la botte de paille présente plusieurs avantages. Elle favorise une consommation énergétique basse en hiver et un confort en été, appréciable en période caniculaire. Elle consomme peu d'énergie au cours de sa production et de son transport. Le coût d'une ITE par paille est de plus comparable à celui d'une ITE de qualité en laine minérale (243 €/m2 au lieu de 220 €). Le matériau est également abondant : « Rien qu'en Île-de France, on produit tous les ans plusieurs millions de tonnes de paille, constate Vollcer Ehrlich, l'un des deux architectes (agence Trait Vivant), aux côtés de l'agence Land Fabrik, d'un chantier d'isolation par paille d'un immeuble de Paris Habitat, composé de 14 logements. Si on n'utilisait rien que 5 % de cette production, on pourrait d'ici 2050 isoler l'ensemble du parc francilien qui doit l'être ». La paille utilisée sur le chantier provient de Seine-et-Marne, en circuit court, réduisant ainsi l'empreinte carbone.
L'opération s'inscrit dans le cadre d'une réhabilitation démarrée cet hiver, qui s'achèvera en octobre 2020. Mené sous forme participative, le chantier soutient la formation de jeunes architectes et artisans et l'insertion de personnes en situation de professionnalisation, en partenariat avec le Collect'IF Paillé (1) et le groupement Apij Bat/ Depuis 192o (2).
Une facture énergétique moins chère
Le bailleur parisien souhaitait depuis longtemps recourir à ce matériau. Laurence Malafosse, chargée d'opérations à la direction territoriale sud-ouest de Paris Habitat entend « montrer qu'on peut utiliser d'autres matériaux que le polystyrène ou la laine minérale en réhabilitation ». Selon elle, « le recours à des systèmes d'isolation naturels va rentrer dans nos pratiques courantes ». « C'est aussi un enjeu pour les charges de nos locataires », ajoute Stéphane Dauphin, directeur général de l'Office, d'autant que l'immeuble, jusqu'à présent raccordé au réseau de chaleur de la Ville, sera désormais relié à la chaufferie gaz du bâtiment adjacent.
Débutée en juillet, la pose de la paille a été réalisée selon deux techniques qui précèdent l'application d'un enduit : pour les deux premiers étages de la résidence, une méthode innovante d'accrochage par bretelles -des sangles en tension, qui soutiennent la botte, économisent le bois et renvoient les charges dans le mur existant en moellons. Faute de règles professionnelles pour cette technique, sur les cinq étages suivants, les bottes sont encastrées dans des montants en bois qui assurent le transfert des charges.
Un matériau qui fait son trou
Dans le même arrondissement, Paris Habitat transforme les anciens bureaux de Canal+ en résidence étudiante, avec une isolation intérieure également en paille. Pour Jacques Baudrier, adjoint de la maire de Paris, en charge des Constructions publiques et de la Transition écologique du bâti, « la paille se développe, ce n'est plus anecdotique. Ce projet est emblématique de la volonté politique de la Ville de promouvoir la transition écologique du bâti dans le cadre du Plan climat, avec un objectif de 30 000 logements sociaux et 120 000 logements privés réhabilités sur la mandature ». La Ville a déjà utilisé la paille comme isolant pour l'extension d'une école, dans le 13e arrondissement. « La plus vieille maison isolée en bottes de paille en Europe, la maison Feuillette à Montargis, a eu un siècle cette année, souligne Laurence Malafosse. On peut souhaiter cette longévité à notre isolation ».
(1) Promoteur du développement de l'usage de la paille dans la construction en Île-de-France.
(2) Entreprises spécialisées dans l'écoconstruction et l'insertion
Crédits photo : Paris Habitat
