La réhabilitation, restructuration ou transformation de bâti ancien est un enjeu culturel et sociétal. Réconcilier passé et futur en conjuguant qualité, usages et confort de vie, c’est aussi reconstruire la ville sur elle-même et redonner vie aux cœurs de ville.
À Bugnicourt (59), village de 1 000 habitants du Douaisis, la ferme Podevin fait partie du paysage depuis le XVIIIe siècle. Habitants et municipalité souhaitaient conserver ces belles façades sur rue, dont l’architecture rappelle l’histoire agricole et l’identité rurale de la commune, mais la question de son usage restait entière. Jusqu’à ce jour de 2012 où « la collectivité s’est adressée à nous, relate Fabrice Bouquet, responsable de la maîtrise d’ouvrage à Habitat du Nord, en s’inscrivant dans un appel à projets départemental sur l’innovation sociale dans l’habitat » et réaliser 14 logements dans cette ferme abandonnée depuis des décennies : 4 en acquisition-amélioration dans le bâti ancien, 10 neufs dans une extension. L’agence Atrium architectes a proposé de conserver les bâtiments de ferme située en front de rue, avec ses deux beaux porches d’entrée, mais le reste à l’arrière, trop vétuste, a été démoli puis reconstruit. L’ensemble a été livré en 2019 et est désormais habité. Les logements en rez-de-chaussée sont réservés aux personnes âgées, ceux en étage à des familles. La cour centrale a été restructurée pour créer des stationnements et des espaces de rencontres entre voisins.
Un chantier compliqué
« Il a fallu reprendre la dalle, modifier la toiture et la charpente de l’existant, consolider les deux porches d’entrée et les pignons, poursuit le maître d’ouvrage, précisant avoir travaillé exclusivement avec des petites entreprises locales. La mise en accessibilité des logements en rez-de-chaussée s’est avérée particulièrement compliquée, car la cour du corps de ferme présentait des niveaux inégaux, ce qui a exigé un lourd travail de VRD. »
La reconversion de patrimoine bâti représente 20 % de l’activité d’Habitat du Nord. « Souvent, lorsque nous intervenons sur un site existant nous ajoutons un ou plusieurs bâtiments neufs pour densifier et équilibrer l’opération », poursuit Fabrice Bouquet. Côté travaux, les soucis se posent majoritairement au niveau des toitures, il faut parfois lutter contre la mérule, et la mise en accessibilité est souvent un défi ! Par ailleurs, le choix de travailler avec des entreprises locales n’est pas le plus rentable… Ce type de projet prend donc du temps. Mais nous faisons le choix d’accompagner les communes pour réhabiliter du bâti patrimonial bien situé, à proximité des services et des commerces, ce qui représente de vraies commodités pour nos usagers et notamment les publics vieillissants. » Et le résultat est là : des logements confortables et sains occupés par des familles et des seniors qui revitalisent le cœur des communes.
Habitat du Nord a déjà créé des logements dans les bâtiments les plus insolites. En 2010, le bailleur livrait 27 appartements dans un ancien transformateur EDF, au centre-ville de Mouvaux (13 000 habitants). À Faches-Thumesnil, sur le site de l’ancienne imprimerie Guermonprez à l’abandon depuis les années 1990, un programme est en cours pour créer 75 logements, du T2 au T4 en location et en accession, dans un bâtiment classé par l’Inventaire du patrimoine de la Métropole européenne de Lille pour ses matériaux de façade en béton imbriqué de galets.
Respecter la trame constructive
À Dunkerque, l’école Brossolette est un très beau bâtiment typique de la Reconstruction, qui interprète les codes de l’architecture navale. Il a un peu l’allure d’un bateau avec ses frontons de verre. D’ici trois ans, il sera reconverti en 16 appartements traversants, dont les pièces de vie et les jardins seront orientés au sud. Afin d’optimiser l’opération, une série de 12 maisons a été aménagée parallèlement au bâtiment patrimonial et respecte ainsi la trame constructive. Un jardin en cœur d’îlot animera l’espace entre les deux bâtiments. Maître d’œuvre de cette subtile opération, l’agence de jeunes architectes urbanistes lillois Handouche & Bréard. « Le temps du projet est essentiel pour analyser l’existant, observer le génie du lieu, défend Sébastien Handouche, pour qui « L’histoire doit être conservé car c’est le témoignage d’une époque, mais il doit également évoluer et se réinventer pour perdurer ».
Photo : Construite au XVIIIe siècle, la ferme Podevin accueille aujourd’hui 14 logements, à deux pas de l’église du village. Crédits : Habitat du Nord